Recueil de textes de femmes

Ces textes sont issus de plusieurs ateliers écriture animés par Martine Legrand, au sein d’ADAGE en 2018, sur le thème des « Droits des femmes »

 

Souvenirs de femmes

 

Je me souviens, quand j’étais jeune, je n’avais pas le droit de voyager toute seule.

Je me souviens, quand j’étais jeune, je ne mangeais pas devant les hommes.

Je me souviens, quand j’étais jeune, je n’avais pas le droit de parler avec les hommes.

Je me souviens, quand j’étais fiancée avec mon mari, je n’avais pas le droit de sortir avec lui.

Lâatra

 

Je me souviens que dans quelques familles, dans mon pays, les filles restent à la maison et les garçons vont à l’école.

Je me souviens que beaucoup de personnes disent que les filles doivent rester à la maison, faire le ménage, travailler à la maison. Elles n’ont pas besoin de sortir.

Je me souviens que dans beaucoup de familles les filles n’ont pas besoin de bien étudier, elles ont besoin de se marier.

Je me souviens que quand arrive un bébé garçon tout le monde est content, quand une fille arrive, pas content.

Je me souviens que je suis contente parce que ma fille est née en France.

Hasina

 

Je me souviens que je n’avais pas le droit de sortir toute seule.

Je me souviens, une fois un homme est venu à la maison pour la première fois me voir, ma maman était fâchée, donc je savais qu’elle n’est pas contente donc je dis au monsieur que je vais le ramener jusqu’à la porte pour ne pas avoir de problème.

Ma mère était tellement jalouse. Elle m’a suivie, elle était derrière moi, elle me jette des cailloux. J’avais tellement honte devant ce monsieur.

 Meriem

 

Je me souviens qu’il y a certains pays où les femmes n’ont pas le droit de vote pour les élections.

Je me souviens que ma voisine a été mariée de force.

Je me souviens d’une famille où les études et le travail étaient interdits pour les femmes.

Je me souviens de plusieurs dames qui ont demandé à divorcer à cause des violences de leur mari.

Je me souviens.

Je me souviens, dans beaucoup de familles on préfère les garçons aux filles.

Je me souviens, dans des familles il est interdit à la femme de voyager toute seule.

Je me souviens que ce n’est pas possible pour les filles de jouer avec les garçons.

Jihan

 

Je me souviens, mon amie Hirute avait 17 ans quand elle a été violée dans la rue quand elle rentrait de l’école. A cause du viol elle a été malade du sida. Après deux ans, elle a perdu la vie à l’âge de 19 ans.

 Tiruwork

 

 

Celles qui

 

Celle qui s’est mariée jeune et qui a été soumise à son mari

Celle qui n’a pas pu finir ses études et le mari refuse qu’elle les poursuive mais elle s’est battue et a refusé de vivre de cette façon

Celle qui s’est battue pour avoir son divorce et le divorce dans sa famille est un tabou indiscutable

Celle qui a pu finir ses études et aujourd’hui elle a un poste important

Celle qui a réussi à avoir tous ses droits et qui aujourd’hui se bat pour des femmes qui ont la même situation qu’elle et qui ont créé une association pour les femmes de son village

Celle qui a réussi à convaincre des parents de ne pas marier leur fille très jeune

Celle-là, et celles qui travaillent avec elle, j’ai beaucoup d’admiration de les voir réussir dans leur parcours de vie personnelle et de vie privée.

Latifa

 

Celle qui n’a pas le droit de choisir son mari

Celle qui n’a pas le droit de prendre de décision elle-même

Celle qui doit obéir toujours par obligation

Celle qui n’a pas de valeur dans la société et dans la famille

Celle qui n’a pas un chemin facile dans sa vie et dans son travail

Celle qui est considérée faible, on ne donne jamais de valeur à sa parole même si elle dit la vérité

Toutes celles-là sont des femmes combattantes qui renforcent leurs forces et sont prêtes à donner une réponse à toutes les injustices qu’elles ont subies jusqu’à maintenant.

Tsering Dolma

 

Celle qui a défendu les femmes pour l’autorisation d’avortement

Celle qui a été la première femme journaliste à la télé à parler sur le droit des femmes

Celle qui a défendu les femmes pour le droit de vote

Celle qui a parlé pour l’égalité de l’homme et de la femme sur le plan du travail

Celle qui a défendu les bébés orphelins après la guerre mondiale dans les orphelinats

Celle qui a refusé le mariage forcé

Toutes celles-là sont des femmes modèles et combattantes.

Marie

  

Celle qui n’était pas à l’école parce qu’elle est fille et son frère allait à l’école parce qu’il est garçon

Celle que son mari a maltraitée et frappée, et à qui la police dit : il faut régler ça avec votre mari et l’écouter

Celle dont la parole n’est pas prise en compte et dont le mari décide et prend les décisions

Celle dont le mari est infidèle et l’infidélité de son mari est acceptée comme normale mais pas par elle

Celle qui ne peut pas avoir le même salaire comme son camarade garçon qui travaille dans la même société.

Toutes celles-là : j’aimerais que tout change pour améliorer la société et pour une bonne génération.

Ola

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme

(Déclaration des Droits de la femme – Article 1)

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme.

Mais…

Mais elle doit toujours demander l’autorisation de son mari pour faire quoi que ce soit dans certains pays.

C’est toujours elle qui doit se lever la nuit quand le bébé pleure.

C’est encore elle qui doit se débrouiller pour garder ses enfants.

C’est elle qui doit arrêter de travailler si l’enfant tombe malade.

Elle est toujours la secrétaire ou l’assistante de direction.

Avec tout ça elle gagne moins qu’un homme et on nous appelle le sexe faible, cherchez l’erreur.

Bintou

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme.

Mais…

Il y a moins de travail pour les femmes.

Il y a moins de logements pour les femmes.

Dans mon pays, le Nigéria, les femmes doivent s’occuper des enfants et faire le travail dans la maison.

 Violet

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.

Mais…

Mais les femmes font le ménage plus que les hommes.

Dans la vie les femmes soignent les enfants plus que les hommes.

Bien que la loi dise que la femme et l’homme sont libres, en réalité dans la vie, la femme n’est pas libre également. Les femmes travaillent de plus en plus. Les femmes doivent payer toute seule.

Mais je voudrais bien sûr que la femme soit libre et égale.

Sanxiu

 

 

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.

Mais…

Mais la femme ne trouve pas le travail comme l’homme.

Mais la femme s’occupe des enfants.

Mais toujours elle est fatiguée.

Mais toujours il fait froid et il pleut.

Mais tout le temps elle fait le ménage dans sa maison.

Mais elle partage son salaire avec son mari.

Mais elle attend toujours, doit toujours recommencer.

Mais la femme a mal au dos et aux genoux.

Mais la femme a beaucoup de rendez-vous.

Mais la femme doit organiser sa maison, son travail.

Mais la femme travaille toujours à domicile.

Mais la femme ne travaille pas à temps plein.

Samira

 Le sexisme au quotidien

Dans le métro l’homme dit à une femme : « Tu devrais mettre une jupe, tu serais plus féminine ».

Le patron au travail dit à une femme qu’elle devrait se maquiller pour être plus belle et excitante.

Le mari dit à sa femme qu’elle ne devrait pas se maquiller, qu’elle devrait rester naturelle.

Un homme demande à sa femme de préparer le repas de A à Z… elle ne peut pas le faire car elle travaille toute la journée.

Deux parents ont les mêmes heures de travail, mais le mari dit à sa femme que c’est elle qui doit chercher les enfants.

J’étais arrêtée devant Adage d’Eugène Fournière, il y a un monsieur qui me tend la main avec de l’argent, moi je ne comprends pas et je suis partie au magasin Bricorama, et j’ai expliqué à une femme que le monsieur me suit et me tend de l’argent, donc la femme me dit qu’il voulait faire l’amour avec moi et j’étais choquée.

J’étais arrêtée à l’arrêt du bus 31 à Barbès et j’attendais le bus, un monsieur passe, il me regarde avec insistance et après il revient sur ses pas, et me regarde encore et encore en souriant. Après il me demande : c’est combien ? J’ai demandé : c’est quoi qui est combien ? Il me repose la question et là j’ai compris. Je lui ai dit d’aller demander à sa mère c’est combien, après il est parti.

Un jour au mois d’août j’étais sortie faire un tour, et il y a un monsieur qui m’a suivie, il m’a dit bonjour, je n’ai pas répondu et il m’a dit : est-ce que je peux avoir ton numéro ? et j’ai dit : je suis déjà mariée.

Tu es bonne, au lieu de tu es belle.

Y a du monde au balcon.

Tu me donnes ton 06.

A la question : Tu peux emmener les enfants à l’école ?, un mari répond à sa femme : Ah non, je ne peux pas, je travaille, moi.

Un mari demande à sa femme : il est où mon café ? tu as préparé quoi ? toutes mes chemises sont froissées, tu fais quoi de tes journées ?!…

Ecriture collective

Je déclare que je suis l’une d’elles

 

Je me promène dans un pays du Maghreb avec un beau décolleté et une jupe courte sans prêter attention aux sifflements du monde que je rencontre ou même avoir honte de quoi que ce soit.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Je suis partie civile dans un pays islamique, je témoigne et mon témoignage sera pris en considération sans avoir recours à un autre.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Je demande en mariage l’homme que j’ai choisi, je fais l’initiative, sans préjudice, et tout va bien se passer.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Je ne suis pas bien, bien fatiguée, je me repose tranquillement dans mon salon, sur mon canapé, je croise mes jambes sur la table basse, je regarde la télé en savourant une bière pendant que mon mari met le tablier de cuisine, prépare un bon plat et s’occupe des enfants avec le sourire.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Kahina


Les femmes victimes d’excision en Afrique, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes forcées à la prostitution, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes victimes de viol, abandonnées après par leur famille, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes victimes d’agressions sexuelles dans les transports en commun, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes abandonnées par leurs maris, obligées de s’occuper seules des enfants, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes forcées par leur époux à rester mère au foyer, je déclare que je suis l’une d’elles.

Rosalie

 

 

En 2006 je vivais en couple et mon compagnon a voulu faire l’amour avec moi sachant que j’étais en période de concevoir, il m’a violée et j’ai appelé la police qui m’a répondu qu’il avait le droit et que c’est une obligation. Je suis restée seule avec son spermatozoïde en moi et avec les larmes aux yeux, suite à ce viol je suis tombée enceinte et j’ai eu un déni de grossesse.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Sylvie

 

Les femmes en mini-jupes courtes, je déclare que je suis l’une d’elles.

Les femmes qui se font harceler sexuellement, je déclare que je suis l’une d’elles.

Fatou Doumbia

 

Avant mon mariage je faisais des sorties nocturnes avec des amies sans l’autorisation de mon père.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Au collège on faisait l’école buissonnière.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

J’ai toujours été contre le mariage consanguin, avec une différence d’âge trop élevée.

Je déclare que je n’ai jamais approuvé ces façons de faire.

Dans mon pays c’est mal vu qu’une femme s’immisce trop dans la politique.

Je déclare que je l’ai fait, je déclare que je suis l’une d’elles.

Je participais à des jugements dans les couples et on donnait presque toujours raison aux femmes, et pour le dire il fallait oser.

Je déclare que je suis l’une d’elles.

Fatoumata 

 

 

Discours de combattantes

 

Trop c’est trop, il faut que ça change ! 

Depuis la déclaration de Oympe de Gouges en 1791 sur le fait que la femme naît libre et demeure égale à l’homme, rien n’a vraiment bougé.

Mesdames, vous croyez que c’est une vie d’être sous tutelle toute sa vie, et d’accepter sans rien dire ? 

Nous voulons une vie meilleure pour tous nos enfants, pas seulement les filles. Eduquons les enfants de telle sorte qu’à l’âge adulte le garçon ne regarde pas sa camarade comme étant inférieure à lui, en la sous-estimant, sous prétexte que c’est une fille.

Mesdames, nous avons plus de pouvoir qu’on veut bien nous le faire croire : oui, nous avons du pouvoir, le pouvoir de changer le monde.

Nous occupons déjà plusieurs postes ministériels, oui !

Nous sommes ministre de l’intérieur : qui fait la police quand les enfants se disputent ?

Nous sommes ministre de la justice : après la dispute il faut bien dire qui a tort ou raison.

Nous sommes ministre de l’économie : il faut que toutes les dépenses rentrent dans le budget.

Nous sommes ministre de l’éducation : qui s’occupe des devoirs à la maison, et des réunions à l’école ?

Oui, nous formons à nous toute seule un gouvernement et nous gérons tant bien que mal notre pays, notre foyer.

Utilisons ce pouvoir pour améliorer le monde.

Bintou


Chères collègues,

Nous allons faire grève aujourd’hui pour faire valoir nos droits au sein de l’entreprise.

A partir de maintenant une femme qui a ses menstrues ne doit pas venir travailler pendant quatre à cinq jours, donc ce qui veut dire qu’on aura cinq jours de congés dans le mois. Je vous invite à nous rejoindre massivement !

Rosmonne

 

Les amies, écoutez-moi !

J’en ai marre de ne pas faire beaucoup de choses dans ma vie, de ne pas avoir appris à lire et à écrire, et de ne pas être indépendante, et de ne pas avoir voyagé. Maintenant j’aimerais être libre et faire tout ça là, aujourd’hui, et prendre des décisions, décider moi-même sans demander l’avis de personne.

Pour ça il faut être unies nous les femmes, et aussi voir les associations qui peuvent nous expliquer nos droits car nos maris ne le feront pas.

Réveillez-vous les femmes, il faut combattre, ce n’est pas trop tard pour nous et pour nos enfants aussi !

Mahawa